Le Diable Volant

Les Archives de la flibuste

Le gouvernement d'une colonie : une affaire de famille (1676)

Le dernier jour de janvier 1676, le gouverneur de Saint-Domingue, Bertrand Ogeron, meurt alors qu'il se trouvait à Paris, attendant d'être reçu par le ministre Colbert pour lui faire le rapport de son administration de la colonie et lui présenter un plan de conquête de la partie espagnole de l'île. Environ deux mois plus tard, Louis XIV désigne son successeur. Son choix s'arrête sur Jacques Nepveu, sieur de Pouancey, l'un des neveux du défunt, qui était aussi l'un de ses officiers à Saint-Domingue depuis 1667. En quittant la colonie, Ogeron lui avait d'ailleurs confié le commandement des établissements de l'ouest et du sud, alors qu'il donnait au sieur de Cussy, un autre de ses lieutenants, celui des quartiers nord de la colonie. Or, Cussy était l'autre candidat possible pour le poste de gouverneur : établi à Saint-Domingue depuis aussi longtemps que Pouancey, il avait pour lui d'être le fils d'un défunt recteur de l'université de Paris, lecteur du roi et écrivain célèbre, et aussi le frère d'un avocat au Parlement de Paris. En quelque sorte, Louis XIV récompense ici les mérites et les efforts d'Ogeron à titre posthume en donnant le gouvernement de la colonie à l'un de ses parents, qui lui-même n'était pas dépourvu de qualités et de talents pour cet emploi. La nouvelle de la promotion de Pouancey arrivera à Saint-Domingue en juin 1676. La fonction n'est pourtant pas viagère puisque la commission expirait au bout de trois ans, et elle sera d'ailleurs renouvellée deux fois, en avril 1679 et juillet 1682.

R. Laprise.

description : copie de la commission de gouverneur de l'île de la Tortue et côte de Saint-Domingue, delivrée par le roi Louis XIV en faveur de Jacques Nepveu sieur de Pouancey, Saint-Germain-en-Laye, 16 mars 1676.
source : FR ANOM COL/B/7/fol. 14-15.

Commission de gouverneur de l'île de la Tortue et côte St-Domingue pour le sieur de Pouancé.

À St-Germain, le xvie mars 1676.

LOUIS, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous ceux qui, ces présentes, verront, salut.

Le gouvernement de notre île de la Tortue et Côte St-Domingue étant à présent vacant par le décès du sieur Dogeron, nous avons estimé qu'il était important au bien de notre Service de remplir cette charge d'une personne sur la suffisance et de la fidélité de laquelle nous nous puissions reposer de la conduite de nos Sujets établis en ladite île et en ladite côte, et de tout ce qui peut augmenter leur commerce. Et pour cet effet, nous avons cru ne pouvoir faire un meilleur choix que du sieur de Pouancé, qui nous a donné plusieurs preuves de son expérience et bonne conduite, et que nous savons avoir toutes les qualités nécessaires pour s'acquitter dignement des devoirs de ladite charge.

À CES CAUSES et autres à ce nous mouvant, nous avons, ledit sieur Pouancé, commis, ordonné et établis, et par ces présentes signées de notre Main, commettons, ordonnons et établissons gouverneur pour Nous de ladite île de la Tortue et côte St-Domingue, pour en ladite qualité y commander, et dans les forts qui y sont ou pourront être ci-après bâtis, tant aux habitants qui y sont déjà établis et à tous autres, Français ou étrangers, qui s'y établiront à l'avenir, de quelque qualité et condition qu'ils puissent être, qu'aux soldats et gens de guerre qui y sont ou pourront être en garnison, leur faire prêter à tous le serment de fidélité qu'ils nous doivent, faire vivre lesdits habitants en l'union et concorde les uns avec les autres, contenir les gens de guerre en police et bon bon ordre suivant nos Règlements, maintenir le commerce et trafic auxdites îles, et généralement faire par ledit sieur de Pouancé tout ce qu'il jugera à propos pour leur conservation et pour la gloire de notre Nom, et au surplus jouir de ladite charge, aux honneurs, autorités, prérogatives et prééminences accoutumés, et aux appointements que nous réglerons par nos états, pendant trois années à commencer du premier mai prochain.

Ci mandons et ordonnons au sieur de Baas, gouverneur et notre Lieutenant Général en nos Isles et Terres Fermes de l'Amérique de faire reconnaître ledit sieur de Pouancé en ladite qualité par tous ceux et ainsi qu'il appartiendra, et à tous capitaines, officiers et autres nos sujets et habitants de ladite île de la Tortue et côte de St-Domingue, de lui obéir et entendre, tout ainsi qu'ils feraient à nous-même, sans y contrevenir en quelque sorte et manière que ce soit, à peine de désobéissance, car tel est notre Plaisir.

En témoin, etc.