Le Diable Volant

Les Archives de la flibuste

Les hautes autorités coloniales des Antilles françaises demandent des postes d'officiers du roi pour deux fameux flibustiers (1685)

L'un des moyens utilisés par les autorités pour tenter de discipliner les flibustiers et les faire rentrer dans le rang en temps de paix était de proposer les plus populaires, et les meilleurs, de leurs capitaines à des postes de commandement dans la colonie. Ce fut notamment le cas en 1685, année cruciale puisque le roi de France interdit alors formellement la guerre de course contre les Espagnols en Amérique. Dans les extraits d'une lettre écrite au secrétaire d'état Seignelay, reproduits ici, le gouverneur et l'intendant des Antilles françaises demandent ce genre d'emploi pour les deux plus fameux flibustiers de Saint-Domingue, les capitaines Grammont et Laurens De Graff. Il faudra quand même un an avant que les propositions touchant ces deux capitaines ne reçoivent des réponses officielles, en septembre et en octobre de l'année suivante.

description : lettre conjointe du comte de Blénac et de Gabriel Dumaitz de Goimpy (respectivement gouverneur et intendant des Isles d'Amérique) au roi de France, Martinique, 30 septembre 1685. [extraits]
source : FR ANOM COL/C8A/4/fol. 52-60.
contribution et transcription : Dominika Haraneder (2000).

(...) Monsieur de Blénac s'étant persuadé que Sa Majesté pouvait l'avoir soupçonné d'avoir toléré les armements des flibustiers, il joint quelques articles de lettres de monsieur de Cussy par lesquelles il se voit clairement qu'il n'a jamais eu part et qu'il a toujours été fait contre son opinion... car il faut savoir fort bien que les flibustiers faisant des prises aux Espagnols faisaient plus de tort aux Français qu'à ceux y ayant beaucoup plus d'intérêt sur les flottes...

...il y a dans St-Domingue des quartiers fort éloignés les uns des autres et d'une grande étendue, en sorte qu'un seul lieutenant du roi et un major ne peuvent pas fournir à tous. On pourrait donc créer encore une lieutenance du roi et la donner au nommé Granmont et une majorité qu'on donnerait au nommé Laurens, marié, déjà à St-Domingue, qui sont les deux chefs des flibustiers, et même, afin qu'il n'y en eut dans tous les mêmes endroits, on établirait ces deux officiers dans de différents quartiers; mais quoique ces deux flibustiers soient de très braves gens, nous ne voudrions pas les proposer à Sa Majesté pour endurer une entreprise qu'on voudrait faire faire à terre contre les Espagnols; car le premier est très goûteux et ne peut rendre aucun service où il y ait un grand mouvement, et l'autre est un matelot qui n'a point d'expérience pour les entreprises à terre. Aussi voit-on toutes les entreprises que le flibustier y a fait n'ont jamais eu le succès par manque de conduite qu'on devait attendre : ces gens-là auraient besoin à leur tête d'une personne qui eut de l'expérience et de l'acquit de guerre afin de lui donner de l'autorité et de la confiance parmi eux... S'il plaisait à Sa Majesté à envoyer un, l'on pourrait être certain que lorsque ces flibustiers feraient une prise à terre, ils la pousseraient jusqu'au bout. Comme nous ne les connaissons pas aussi bien que M. de Cussy, nous lui communiquons cette pensée. (...)