Le Diable Volant

Les Archives de la flibuste

Nomination d'un flibustier comme adjoint au gouverneur de la colonie de Saint-Domingue (1686)

Pendant environ une décennie, le sieur de Grammont fut capitaine flibustier à Saint-Domingue, et dès 1677 le premier d'entre eux. Outre sa qualité de noble, il était très lié au sieur de Cussy, le governeur de Saint-Domingue, qui était son associé dans ses armements et dont il était le confident. Pour les Français de cette colonie, il fut ce que Henry Morgan avait été pour la Jamaïque anglaise. à l'exemple de Morgan, il commanda en chef les flibustiers de son île, et tout comme lui, il finit par être nommé gouverneur adjoint. En effet, un lieutenant de roi dans les colonies françaises venait, par son rang, juste après le gouverneur, qu'il pouvait remplacer par intérim en cas d'absence, d'incapacité ou de mort. Généralement, cet officier recevait le commandement d'un quartier particulier ou d'une partie d'une colonie. Selon l'importance de celle-ci, il pouvait y en avoir plusieurs. Ce fut le cas pour Saint-Domingue, dont Grammont devint le troisième lieutenant de roi, après les sieurs de Franquesnay (nommé en 1679) et Dumas (en 1685). La proposition de nommer Grammont à ce poste fut envoyée en France en septembre 1685, à un moment où l'on pensait pouvoir discipliner les flibustiers en faisant de leurs principaux chefs des officiers du roi. Cependant, Grammont ne put jamais exercer ses fonctions d'officier du roi, car vers le même mois où Louis XIV délivrait le document reproduit ici, il trouvait la mort dans une tempête au large des Açores.

description : copie de la commission de lieutenant de roi dans la colonie de Saint-Domingue en faveur du sieur de Grammont, Versailles, 1er octobre 1686.
source : FR ANOM COL/B/12/fol. 117-118.

Commission de lieutenant de roi à la côte St-Domingue pour le sieur de Grammont.

À Versailles, le premier octobre 1686.

Louis, etc.

à notre bien-aimé le sieur de Gramont, salut.

étant nécessaire d'établir encore un lieutenant pour nous au gouvernement de la côte de St-Domingue, à cause de sa grande étendue, et qui puisse résider actuellement en l'un des quartiers de ladite île, tel qu'il lui sera ordonné par le gouverneur d'icelle pour le soulager dans les fonctions de sa charge;

Nous avons estimé que nous nous ne pouvons faire un meilleur choix que de votre personne pour cet emploi, vu les preuves que vous avez donné de votre valeur en plusieurs rencontres et votre fidélité et affection à notre Service.

À CES CAUSES, nous vous avons commis, ordonné et établi, et par ces présentes signées de notre main, commettons, ordonnons et établissons l'un des lieutenants pour nous au gouvernement de ladite île de St-Domingue pour pendant le temps de trois années à compter de ce jourd'hui en l'absence dudit gouverneur et, sous son autorité, en sa présence, commander dans le quartier qui sera par ledit gouverneur réglé tant aux habitants qu'aux gens de guerre qui y sont et pourront être ci-après en garnison, leur ordonner ce qu'ils auront à faire pour notre Service, faire vivre lesdits habitants en union et concorde entr'eux, contenir les gens de guerre en police et bon ordre suivant nos Règlements et Ordonnances militaires, maintenir le commerce et trafic, généralement faire tout ce que vous verrez nécessaire pour le bien de notre Service, aux honneurs, autorités, prérogatives accoutumés et aux appointements qui seront réglés par nos états.

ORDONNONS ET MANDONS au sieur comte de Blénac, gouverneur et lieutenant général pour nous en nos Isles de l'Amérique, et au sieur de Cussy, gouverneur particulier de ladite île, qui après leur être apparu que vous faites profession de la religion catholique, apostolique et romaine, de vous faire reconnaître et obéir par tous deux et ainsi qu'il appartiendra car tel est notre plaisir.

Donné, etc.