À l'île de la Tortue (1640-1654)
C'est à Munster, le 30 janvier 1648, dans le cadre du Congrès de Westphalie dont les travaux devaient mettre un terme à la guerre de Trente ans, que les représentants de l'Espagne et ceux des Provinces Unies firent la paix, après plus de cinquante ans d'hostilités. Par ce traité ratifié en mai suivant par les deux états, le roi d'Espagne reconnaissait enfin l'indépendance des Néerlandais, mais aussi toutes les conquêtes que ces «rebelles hérétiques» avaient fait sur lui aux Indes occidentales et orientales. La plus importante des concessions du monarque espagnol demeurait cependant l'ouverture de ses ports aux navires néerlandais, donc le droit de commerce avec l'Espagne. Naguère ennemis irréconciliables, l'Espagne et les Provinces-Unies allaient bientôt devenir des alliés, et ce jusqu'au siècle suivant.
Pendant un quart de siècle, les corsaires zélandais et hollandais, souvent en flottes imposantes armées par la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales, avaient écumé la mer des Caraïbes. Leur disparition précipita le développement de la flibuste, cette piraterie plus ou moins légale qui se pratiquera désormais contre les Espagnols à partir de bases se trouvant au coeur même de la Méditerranée américaine. La première de ces bases existait déjà en 1648. C'était la petite île de la Tortue, située à la côte nord-ouest de l'île Hispaniola.
Dès la fin du XVIe siècle, la Tortue avait servi de refuge temporaire à des contrebandiers et des corsaires cherchant à échapper aux garde-côtes de Santo Domingo ou, plus simplement, à se ravitailler. En 1606, sur ordre du roi d'Espagne, les côtes nord et ouest d'Hispaniola furent dépeuplées pour mettre fin à la contrebande de leurs habitants avec ces étrangers. Dès l'année suivante, quelques Espagnols rebelles à cet ordre et des esclaves en fuite trouvèrent asile à la Tortue où ils poursuivirent leur commerce de viandes, de cuirs et d'esclaves avec les contrebandiers. Mais la Tortue possédait alors une ressource de plus grande valeur: du bois de brésilet, dont on extrayait une teinture rouge pour les étoffes. Ainsi, à partir des années 1610, Anglais et Français commencèrent à y faire escale pour couper cette précieuse essence. Plus tard, les navires qui ravitaillaient les colonies naissantes des petites Antilles s'y arrêtèrent aussi dans ce but, avant leur retour en Europe. Abandonnée par les Espagnols, la Tortue devint bientôt un objet de convoitise entre Français et Anglais, d'abord pour ses bois de teinture, mais, ensuite et surtout, pour sa position stratégique au coeur des voies maritimes du commerce espagnol et de sa proximité avec l'île Hispaniola, terre fertile regorgeant de gibier.
En 1629, après les descentes de l'amiral Fadrique de Toledo aux petites Antilles anglaises et françaises, un groupe de 80 Français de l'île de Saint-Christophe vint s'établir à la Tortue. Au début de l'année suivante, ils furent rejoints par quelques centaines d'Anglais chassés de leur île de Nevis, eux aussi à la suite du passage de l'amiral espagnol. Inquiétés par la présence de ces colons, les Espagnols de Santo Domingo firent descente dans l'île dès octobre 1630 et en chassèrent les intrus qui perdirent ainsi leurs biens et esclaves. Néanmoins, dès mai 1631, leur chef Anthony Hilton obtint à Londres la protection de la Providence Island Company, qui ne s'intéressait alors à la Tortue que par crainte qu'elle ne tombât sous la coupe des Néerlandais. Cent cinquante hommes, surtout des Anglais, revinrent entre-temps habiter l'île, rebaptisée «Isle of Association». Hilton, qui s'y rétablit comme gouverneur pour la Providence Island Company, laissa de nombreux corsaires de toutes nationalités venir s'y ravitailler, sans en référer à ses commanditaires londoniens. Après sa mort (1634), son successeur Wormeley continua d'accueillir ces corsaires des Antilles que l'on commençait à appeler, en français, flibustiers. Les Espagnols jugèrent cette politique suffisamment menaçante pour monter une deuxième expédition contre la Tortue. Guidés par le transfuge irlandais John Murphy, un officier catholique qui avait fui l'île pour une raison obscure, le général Ruy Fernández de Fuenmayor, qui se rendra fameux comme gouverneur du Venezuela, et au plus 300 hommes s'emparèrent de la Tortue: ils tuèrent près des deux tiers de ses habitants, dont le reste, avec le gouverneur Wormeley, parvinrent à prendre le large.
Après cette victoire espagnole, moins d'une centaine d'Anglais retournèrent s'établir à la Tortue qu'ils évacuèrent d'ailleurs en 1636, à la suite d'une révolte de leurs esclaves. Cependant, vers 1638, quarante Français, probablement des boucaniers, qui chassaient, dans les plaines d'HIspaniola, le boeuf sauvage pour son cuir, s'y installèrent. Ils furent rejoints en 1639 par 300 hommes et quelques dizaines de femmes et d'esclaves, venus encore une fois de la petite colonie anglaise de l'île de Nevis. Mais, au bout de quelques mois, la vieille rivalité franco-anglaise faisait surface de façon dramatique: selon le gouverneur général des Isles d'Amérique, les nouveaux venus massacrèrent quelques Français et déportèrent le reste sur la grande île voisine. Cette offense va fournir le prétexte à ce haut personnage, le chevalier de Malte Philippe de Lonvilliers-Poincy, pour intervenir et se rendre, du moins le croyait-il, maître de la Tortue à peu de frais. Tout comme sur l'île dont elle portait le nom, la lointaine et fragile tutelle de la Providence Island Company sur la Tortue tirait à sa fin. Au début de 1640, le chevalier de Poincy confia la mission de reprendre la Tortue à un personnage turbulent, François Levasseur. Cet homme possédait certes les qualités requises pour la mener à bien: ingénieur militaire de métier autrefois corsaire, il avait visité la Tortue au temps où il courait les mers avec le défunt Belain d'Esnambouc. Mais il était protestant, et l'un de leurs chefs les plus en vue à Saint-Christophe, île où résidait alors le gouverneur général des Antilles françaises. Ainsi ce dernier, tout en souhaitant la conquête de la Tortue, voulait réduire l'influence du parti de la «Religion», comme les catholiques appelaient alors le protestantisme, par le départ de Levasseur. En compagnie d'une cinquantaine de ses coreligionnaires, ce dernier appareilla donc pour les côtes de Saint-Domingue, nom que les Français donnaient à l'île Hispaniola parce que sa capitale Santo Domingo en était la seule place d'importance. À la fin mai, il jetait l'ancre au Port-Margot et entamait des négociations avec les Anglais de la Tortue, à quelques kilomètres à l'ouest. La voie diplomatique ne donna aucun résultat, sinon que les Anglais continuaient de maltraiter les Français qui osaient aborder leur île. Il ne restait que la manière forte. Et, le 30 août 1640, à la tête d'une centaine d'hommes, dont la moitié étaient des boucaniers de Saint-Domingue, Levasseur débarqua à la Tortue sans rencontrer d'opposition de la part des Anglais qui évacuèrent l'île promptement.
Aussitôt maître de la Tortue, Levasseur, l'ingénieur militaire, entreprit de la fortifier. Sur la plate-forme rocheuse, qui domine le principal havre de la Tortue, la rade de Basseterre, il érigea ainsi un petit fort avec un donjon en son point le plus élevé, un magasin à poudre et son logis, le tout défendu par de l'artillerie. Dans le même temps, Levasseur, l'administrateur, entreprit de faire venir de France du renfort pour sa nouvelle colonie. Entre 1641 et 1647, des dizaines de colons iront s'établir à la Tortue, tantôt il s'agira d'engagés tantôt de familles entières, surtout des protestants comme le gouverneur. Enfin, Levasseur, le politique, se rendit à Saint-Christophe et y signa (nov. 1641) avec le général de Poincy une convention très avantageuse. Celle-ci prévoyait, notamment, la liberté de culte tant pour les catholiques que pour les protestants, concession que Poincy fit à son subordonné pour le récompenser de sa conquête dont il espérait lui-même tirer profit. Mais les espoirs du général seront bientôt déçus. Dès son retour à la Tortue, Levasseur commença à prendre ses distances.
En 1642, la Compagnie des Isles d'Amérique, propriétaire des Antilles par patentes royales, reçut des rapports peu encourageants sur la Tortue et son gouverneur huguenot. Ce dernier prétendait en effet «qu'il ne tient que de Dieu ladite île» et ne vouloir aucune aide extérieure. L'année suivante se produisit un incident qui va renforcer la position de Levasseur. Comme à leur habitude, les Espagnols de Santo Domingo étaient inquiets de la présence d'étrangers sur la Tortue. Ils montèrent donc une expédition de 600 hommes que Levasseur parvint à repousser. Fort de ce succès qui mit à l'épreuve ses fortifications, il jeta bas le masque: il traita sévèrement ses administrés, persécuta les catholiques en particulier et, pour son seul profit et celui de ses proches collaborateurs, il imposa à tous des taxes exorbitantes. Désespérant de faire reconnaître son autorité, la Compagnie offrit la propriété de la Tortue à Poincy lui-même. Le gouverneur général envoya alors l'un de ses neveux et un autre notable pour inciter Levasseur à venir à Saint-Christophe rendre compte de son gouvernement. évidemment, les deux envoyés s'en retournèrent bredouille, Levasseur ayant opposé qu'il ne pouvait quitter son poste par crainte d'une autre attaque espagnole. Ce sera la dernière tentative de Poincy pour faire reconnaître ses droits sur la Tortue pour les huit prochaines années. Un conflit avec le successeur que lui a donné la reine régente et auquel il refusera de remettre son commandement empêchera le chevalier de Malte d'agir contre le gouverneur de la Tortue. Libéré de la tutelle du général des Antilles, Levasseur entreprit d'éliminer ses opposants potentiels. Il chassa d'abord le capucin Marc d'Angers, qui, à la suite d'un naufrage, s'était installé dans l'île. Ensuite, il fit subir le même sort au ministre du culte protestant, Charles-César de Rochefort, qui, quoique huguenot, était un ami personnel du chevalier de Poincy.
Par ailleurs, le gouverneur Levasseur commença à accueillir des flibustiers et à leur délivrer des commissions de guerre contre les Espagnols en son propre nom. La France était certes officiellement en guerre avec l'Espagne depuis 1635, mais les commissions de Levasseur demeuraient d'une validité douteuse. Le capitaine Robert Martin, commandant un bâtiment flibustier entretenu par Levasseur lui-même, l'apprit à ses dépens lorsqu'il vit saisir à La Rochelle la cargaison de cacao de deux prises espagnoles qu'il avait faites aux Antilles, en 1648. Ce fut vraiment à compter de cette même année d'ailleurs, à la suite de la signature de la paix entre les Provinces-Unies et l'Espagne, que la Tortue prit son essor comme base corsaire. Les flibustiers apparurent dès lors à Cuba et Hispaniola ainsi qu'aux côtes de Campêche où les navires et les bourgs espagnols subirent leurs attaques. Ils n'étaient pas encore aussi nombreux qu'ils ne le seront dans les décennies suivantes ou que ne le furent leurs prédécesseurs néerlandais. Par contre, ils faisaient suffisamment de torts au coeur des voies maritimes du commerce américain pour que les Espagnols prissent, une fois de plus, les grands moyens contre la petite île de la Tortue. Mais Levasseur ne sera déjà plus de ce monde et ce sera un autre qui subira les foudres des Espagnols.
D'étranges histoires couraient sur le gouverneur Levasseur. On prétendait qu'il avait fait installer dans le fort de la Roche une machine de fer, baptisée «l'Enfer», qui lui servait à torturer certains de ses administrés. L'on donnait d'ailleurs le nom de «Purgatoire» à la prison du fort. Mais ce n'était peut-être là que des fables, colportées après coup contre un rebelle, protestant de surcroît. Il est probable que Levasseur fût un homme cruel. En revanche, il est indiscutable que les fortes taxes qu'il leva sur la production de la Tortue et celle de la côte Saint-Domingue firent un grand nombre de mécontents. Certains boucaniers, qui étaient alors environ 500 de toutes nationalités dispersés le long des côtes ouest et nord de Saint-Domingue en vingt-sept endroits différents, surtout ceux qui venaient vendre leurs cuirs à la Tortue, considéraient le gouverneur comme un ennemi. Cependant, ce furent, semble-t-il, des considérations matrimoniales qui mirent fin au règne du tyran. En effet, Levasseur aurait à plusieurs reprises abuser d'une très belle femme, entretenue par l'un de ses associés, Thibault, que l'on disait aussi être son neveu. Ce dernier, pour se venger de ces affronts répétés, complota avec le capitaine Martin, vraisemblablement le flibustier qui montait le navire armé en course par Levasseur, pour assassiner celui-ci. Les deux hommes et leurs complices mirent leur plan à exécution en juillet 1652.
Entre-temps, arrivait à Saint-Christophe un corsaire venu de France et commandé par le chevalier de Fontenay. Le général de Poincy saisit l'occasion de la présence de ce confrère de l'Ordre de Malte et homme de guerre expérimenté pour tenter de reprendre enfin le contrôle de la Tortue. En mai 1652, les deux chevaliers signèrent une entente à cet effet, stipulant, entre autres, qu'ils se partageraient également les biens du rebelle, et que Fontenay gouvernerait la Tortue au nom de Poincy. Avec 500 hommes, dont un neveu du gouverneur général, Fontenay se rendit à la Tortue où il fut d'abord repoussé à Basseterre par Martin et Thibault, retranchés dans le fort Levasseur. Il tenta alors un second débarquement à Cayonne. Et, après avoir obtenu l'assurance de n'être point inquiétés pour le meurtre de Levasseur, les deux assassins se rendirent au chevalier. Maître de l'île, Fontenay rétablit l'exercice du culte catholique. Dans la même vaine, le fort Levasseur était rebaptisé fort Saint-Sacrement. Mais ce ne fut pas le seul changement qu'il apporta au fort: il fit construire deux grands bastions de pierre de taille et ajouta de l'artillerie sur la plate-forme.
Levasseur avait jeté les bases de la Tortue comme entrepôt flibustier. Lui-même corsaire de métier, le chevalier poursuivit l'oeuvre de son prédécesseur, jusqu'à négliger la sécurité de la colonie. Selon les Espagnols qui recueilleront par la suite sa déposition, Fontenay, durant la seule année 1653, aurait envoyé pas moins de vingt-deux bâtiments en course sur les côtes des grandes Antilles, de Campêche, de Carthagène et des Honduras. Exagération ou non, les Espagnols recensèrent au moins sept capitaines portant cette année-là ses commissions. Parmi ceux-ci se trouvaient le propre adjoint de Fontenay et le fameux mulâtre Diego qui s'était illustré avec les Néerlandais dans les deux décennies précédentes, les autres étant français, anglais et néerlandais. De plus, tous les corsaires de la Tortue devaient se réunir, au printemps 1654, à deux autres attendus de France pour s'emparer de la Jamaïque. Mais il reviendra à d'autres de réaliser ce dessein: avant même la fin de l'année 1653, le gouverneur général par intérim de Santo Domingo, Juan Francisco de Montemayor y Cuenca, avait décidé d'en finir avec la Tortue.
Montemayor confia à Gabriel de Rojas Valle y Figueroa le commandement d'une nouvelle expédition punitive, forte de cinq navires et 400 soldats. Parmi les capitaines du général Rojas Valle figurait l'Irlandais Murphy, celui-là même qui, vingt ans plus tôt, avait guidé la seconde attaque espagnole contre la Tortue et qui était devenu depuis chevalier de l'ordre de Santiago. Au début de décembre 1653, le général espagnol appareillait du port de Santo Domingo. Passant par la côte nord d'Hispaniola, sa petite flotte fit son apparition devant le port de la Tortue à midi, le 10 janvier 1654. Le gouverneur Fontenay ne fut pas surpris de la présence des Espagnols, dont quelques jours plus tôt l'avaient informé des Français qui avaient dû abandonner leurs bateaux à la hauteur de Monte Christo pour leur échapper. Le Français demeurait confiant: n'avait-il pas pour deux mois de vivres et de l'eau en abondance sans compter près de 350 hommes capables de porter armes à opposer aux Espagnols? Il devait cependant regretter d'avoir laissé partir en course deux vaisseaux, portant 200 flibustiers, fort peu de temps avant la réception de cette inquiétante nouvelle.
En dépit du tir des canons du fort Saint-Sacrement, les Espagnols débarquèrent le jour même de leur arrivée et s'emparèrent d'une habitation dont les défenseurs se réfugièrent auprès de leur gouverneur. Le général Rojas Valle et son lieutenant Murphy faisaient ensuite ériger une batterie de canons sur une éminence où leurs hommes passèrent la nuit. Au cours des jours suivants, ils disposèrent plus avantageusement leur artillerie sur la montagne commandant au fort, profitant de la piètre défense que leur opposaient les Français. Et, le 16 janvier, Rojas Valle faisait offrir à Fontenay de capituler à des conditions raisonnables, que le chevalier refusa. Mais les habitants ne partageaient pas son avis. Ils connaissaient bien les règles de la guerre de siège qui étaient très claires: si un commandant refusait d'accéder à une offre de reddition et que la place qu'il défendait était ensuite prise lors de l'assaut, le vainqueur pouvait mettre à mort tant les soldats adverses que les civils, femmes et enfants compris. Ils savaient aussi que les Espagnols étaient réputés pour leur cruauté envers les étrangers qu'ils considéraient comme des indésirables en Amérique. Cependant, le chevalier fit avorter une probable mutinerie en abattant d'un coup de pistolet l'un des principaux promoteurs de la reddition. Quelques jours plus tard, il revint pourtant sur sa décision et composa avec les Espagnols, voyant bien qu'il ne pourrait vaincre ces derniers qui ne cessaient de canonner ses positions, venaient de le couper de ses sources d'approvisionnements et lui avaient déjà tué vingt-cinq hommes.
Le lundi 20 janvier 1654, Fontenay sortit du fort Saint-Sacrement, à la tête d'environ 500 personnes, pour la plupart Français et habitants ou engagés et parmi lesquels aussi se trouvaient des femmes et leurs enfants, les soldats de la garnison et quelques esclaves. Il fit ensuite remettre à flot deux frégates coulées dans la rade par les Espagnols à leur arrivée et sur lesquelles son monde et lui furent autorisés à quitter l'île sous l'étroite surveillance de Rojas Valle qui retenaient quelques otages, dont le frère du gouverneur, le chevalier Thomas Hotman. Une fois les travaux de radoub terminés, les vaincus se dispersèrent sur le bâtiment dont Fontenay prit le commandement et sur l'autre monté par le capitaine Martin et son complice Thibault.
La Tortue ramenée dans le giron espagnol, le président Montemayor choisit le sergent-major Baltasar Calderón pour la gouverner, de préférence à Murphy, s'attirant ainsi l'inimitié de l'Irlandais, qui devait ensuite intriguer avec l'Angleterre. De son côté, le chevalier de Fontenay n'avait pas perdu espoir de reprendre la Tortue. Réfugié à la côte Saint-Domingue, il réunit 130 hommes qu'il embarqua sur quatre petits bâtiments. Et, au mois d'août suivant, il effectuait une descente à la Tortue. Après huit jours de combats acharnés, Fontenay dut s'incliner devant la brillante défense de Calderón et de ses hommes et il évacua l'île pour ne plus jamais y revenir. C'était la fin, pour l'instant, de la Tortue comme base flibustière. Les Espagnols l'ignoraient encore, mais une menace, bien plus grave que l'occupation de cette petite île par quelques centaines de protestants et de pirates, se profilait déjà en Europe. En effet, à Londres, inspiré par Dieu et conseillé par un dominicain défroqué, le Lord Protecteur du Commonwealth d'Angleterre, Oliver Cromwell, nouveau champion de la cause protestante, venait de jeter les bases de son Western Design.
R. Laprise.