Le Diable Volant

Les Archives de la flibuste

Divergences de vue touchant les flibustiers entre le gouverneur des Antilles françaises et son subalterne de la Tortue (1669)

Dans les colonies françaises des Antilles, deux courants de pensée s'opposaient quant à l'utilité des flibustiers. évidemment, le gouverneur de la Tortue et de Saint-Domingue, où ces écumeurs des mers étaient les plus nombreux, voyait dans leur présence un mal nécessaire. Son supérieur, le lieutenant-général des Isles d'Amérique, était plutôt favorable à une ouverture du commerce avec les Espagnols, et dans cette optique, les flibustiers représentaient pour lui une nuisance. D'autre part, le fait que son subalterne ait en sa possession une force armée, sur laquelle lui, le premier représentant du roi aux Antilles, n'avait aucun contrôle, n'était par pour lui plaire. Le présent document illustre bien cette «rivalité» entre les deux officiers royaux. Le lieutenant-général Baas s'y étonne que le gouverneur de la Tortue donne des commissions aux flibustiers pour prendre sur les Espagnols en temps de paix. Le capitaine Trébutor, qui est mentionné ici et qui est l'un des bénéficiaires de ces commissions, n'en sera pas à sa dernière apparition dans la correspondance de Baas (voir sa lettre de novembre 1671.

R. Laprise.

description : [extraits d'une]lettre de Jean-Charles de Baas (lieutenant-général des Isles d'Amérique) au ministre Jean-Baptiste Colbert, Guadeloupe, 26 décembre 1669.
source : FR ANOM COL/C8A/1/fol. 22-24.
contribution et transcription : Dominika Haraneder (2000).

(...) Un peu auparavant que de fermer ma lettre, j'en ai reçu une de M. Dubois, gouverneur de Ste-Croix. Il m'envoie la copie d'une commission qu'a donné M. Ogeron, par laquelle vous verrez qu'il donne pouvoir au nommé Trébutor de faire la guerre aux Espagnols ennemis déclarés du Roi, et M. Dubois me demande s'il est vrai que nous ayons la guerre. Cela m'a surpris car ma conduite avec eux est bien différente. Je ferai partir aujourd'hui Miquel pour le renvoyer au gouverneur de Comana, auquel je remis une lettre fort civile, lui assurant que je veux vivre avec lui en bonne correspondance. Cependant celui qui rendra ma lettre fera son devoir, et après son retour, je vous ferai savoir exactement ce que ce voyage aura produit. J'ai fait faire une petite cargaison dans le brigantin qui conduit Miquel...

Ainsi, Monseigneur, vous voyez que le procédé de M. Ogeron et le mien ne s'accordent pas. Je vous supplie humblement de me faire savoir comment je me dois gouverner en cas que Trébutor ou quelqu'autre vint conduire un prise faite sur les Espagnols dans quelques unes de nos îles. (...)

Monseigneur,

De la Guadaloupe, le 26 décembre 1669,

Votre très obéissant, très humble et très fidèle serviteur,

De Baas.