Prise d'un navire allié par un flibustier néerlandais au service de la France (1684)
Àla fin de la tournée d'inspection qu'il fait à Saint-Domingue en compagnie du chevalier de Saint-Laurent, l'intendant des Isles d'Amérique Michel Bégon est invité à présider l'adjudication d'une prise faite par des flibustiers, en l'occurence celle du capitaine néerlandais Jan Willems, alias Yankey (d'où le « Jean Quay », du présent document) et de sa compagnie montant la Française, frégate de 30 canons, appelée aussi Le Dauphin. La prise est plus ou moins régulière puisqu'il s'agit d'un sloop anglais de la Jamaïque, The James, capitaine John Thorpe, appartenant à James Wall qui se trouvait aussi à son bord. Le jugement d'adjudication prononcé par Bégon dans cette affaire, qui est reproduit ici, fut publié à la fin du XVIIIe siècle par l'érudit Moreau de Saint-Méry qui l'avait recopié dans les registres du bourg de Léogane, aujourd'hui perdus. Toutefois, une copie certifiée conforme est conservée au Public Record Office, en Grande-Bretagne, et pour cause. Comme il y avait paix entre les couronnes de France et d'Angleterre, le marchand James Wall portera plainte au gouverneur de la Jamaïque, puis au roi d'Angleterre pour obtenir la restitution de son sloop, ou du moins pour être dédommagé de cette perte. En fait, rien ne justifiait la prise du James par Yankey et sa condamnation par les autorités de Saint-Domingue. Le seul motif de ce jugement de bonne prise est que le navire, contrairement à l'ordonnance française sur la marine et la navigation (1681), n'avait aucun papier à bord, ce qui est vraisemblablement faux, les hommes de Yankey ayant sans doute fait disparaître les documents de voyage avant de rentrer à Saint-Domingue, puisque des copies conformes des congé et passeport du gouverneur de la Jamaïque au capitaine Thorpe seront produites quelques semaines plus tard. Par la suite, Bégon, autant que le gouverneur de Saint-Domingue, le sieur de Cussy, tenteront de justifier cette adjudication comme en témoignera leurs réponses au mémoire présenté par l'ambassadeur d'Angleterre en France près de quatre ans après les faits. Cette prise faite par des flibustiers sur des alliés de la couronne n'est pas sans rappelé une autre affaire survenue une quinzaine d'années plus tôt.